MOOC Consommer responsable S5.2 – Evolution du droit, la reconnaissance du crime d’Ecocide Valérie Cabanes, porte-parole "End Ecocide on Earth" Nous devons agir de façon responsable quand nous consommons, bien entendu. Nous devons être solidaires face aux conséquences du changement climatique et de la dégradation de l'environnement mondial, car nous sommes tous responsables, à notre échelle, d'émissions de gaz à effet de serre et de pollution, mais nous devons aussi reconnaître qu'un certain type de responsabilité échappe à notre contrôle : la responsabilité historique des pays les plus riches qui ont mis en œuvre une industrie extractiviste, dévoreuse de terres et de sous-sols, et peu respectueuse des droits humains. Qui contrôle cette industrie ? Nos gouvernements ? Ce n'est plus si sûr depuis que les campagnes politiques sont financées par le secteur privé. Savez-vous que quatre-vingts personnes dans le monde se partagent le même montant de richesse que 3,5 cinq milliards d'autres, c'est-à-dire la moitié de la population mondiale. Et ces quatre-vingts personnes sont à la tête d'entreprises multinationales soutenues par des états dans les secteurs de l'énergie, pétrole, gaz, charbon, de la pétrochimie, les engrais, les cosmétiques, de l'agroalimentaire, de la grande distribution entre autres. Ces secteurs sont dépendants les uns des autres et à l'origine de la destruction massive d'écosystèmes et du changement climatique. Sachez qu'en effet, quatre-vingt-dix entités, multinationales, états sont à l'origine de deux tiers des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. À quelles contraintes sont soumis ces dirigeants économiques et politiques ? Pour l'instant, les mécanismes de libre-échange sont favorables aux multinationales et celles-ci militent auprès de l'ONU pour maintenir le caractère volontaire des directives basées sur la responsabilité sociale des entreprises. En revanche, ces dirigeants ne sont pas inquiétés quand ils prennent des décisions aux conséquences criminelles. A-t-on pu poursuivre un PDG dans des catastrophes humaines et environnementales comme celle de l'Erika, comme celle de Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique ou de Fukushima, malgré des négligences clairement constatées ? Et qu'en est-il des décisions ou des financements qui encouragent des activités industrielles, qui hypothèquent l'avenir des générations futures ? Si l'on brûlait toutes les réserves fossiles connues sur Terre, la hausse globale des températures atteindrait onze degrés et le niveau des océans monterait de plus de soixante mètres. La Terre ne serait plus habitable pour l'espèce humaine ni pour la plupart des êtres vivants sur Terre. Il faut donc que le droit international évolue pour que soient pris en compte les excès de notre monde industrialisé. Il faut que nous affirmions que l'homme et la nature sont intrinsèquement liés et d'autre part que l'intérêt des générations futures soit pris en considération. Cela implique de faire du vivant un sujet de droit et c'est une révolution philosophique qui est véritablement en marche. Pour que ces principes soient respectés, il est nécessaire d'adapter le cadre pénal international posé par la Cour Pénale Internationale basée aux Pays-Bas. La Cour Pénale Internationale, la CPI, a été créée pour contribuer à mettre fin à l'impunité des auteurs de crimes les plus graves touchant l'ensemble de la communauté internationale. Il faut, en effet, que les décisions et actions qui conduisent à menacer les services écosystémiques dont dépendent des populations humaines, mais aussi à détruire partiellement ou en totalité des communaux planétaires tels que les pôles, l'atmosphère, l'extra-atmosphère, les rivières et les fleuves transfrontaliers, les eaux internationales, les espèces migratrices, les patrimoines génétiques et les cycles biogéochimiques, eux nécessaires à l'équilibre de l'écosystème terrestre, puissent être sanctionnées. Le statut de la CPI considère aujourd'hui comme crime de guerre le fait de causer des dommages étendus graves et durables à l'environnement naturel, mais rien n'est prévu pour protéger cet environnement en temps de paix. C'est pourquoi un mouvement citoyen, End Ecocide on Earth, soutenu par un groupe d'experts, a travaillé sur une proposition de dix-sept amendements au statut de la Cour Pénale Internationale afin d'y introduire le crime d'écocide à la liste des crimes internationaux les plus graves comme celui de génocide ou de crimes contre l'humanité. Éco vient du grec ancien, oîkos, qui veut dire maison. Caedere vient du latin qui veut dire détruire. L'écocide, c'est le fait de détruire notre maison, la seule que nous ayons, la Terre. Cette proposition sur la reconnaissance du crime d'écocide est à l'étude par différents états. Si elle est acceptée, il sera alors possible de poursuivre les responsables, entité morale, mais aussi personne physique, à l'origine de décisions ou de financement qui encouragent des pratiques reconnues dangereuses, dangereuses pour la sûreté de la planète et la sécurité de l'humanité.