MOOC Consommer responsable S6.6 – Les opportunités de l’entreprise libérée Stéphane Lescure, directeur associé au sein du cabinet de conseil Proconseil Introduction Bienvenue dans cette vidéo sur les opportunités de l'entreprise libérée. Je vais partager avec vous quelques notions autour de modes d'organisation qui bousculent les paradigmes actuels, une manière d'être et de faire qui permet le retour à l'efficience ou à la compétitivité pour les entreprises et qui intrinsèquement est aussi un vecteur de transition et de respect de la planète. L'organisation postmoderne ou l'entreprise libérée comme la nomme Isaac Getz, mobilise des énergies et favorise l'innovation en s'appuyant sur des idées simples. Donner du sens, faire confiance, avoir le souci du client et, plus largement encore, avoir le souci du dehors de l'entreprise. Seulement, n'est pas postmoderne qui veut. Aujourd'hui, appliquer ces fondamentaux au quotidien nécessite de faire évoluer drastiquement les organisations et les comportements. Que constatons-nous en effet ? Depuis toujours, les entreprises sont en compétition, se battent, se transforment, réinventent les bonnes pratiques, mais depuis les années 1990, le rythme s'est accéléré. Les pressions sont toujours plus fortes et proviennent de toutes parts, les exigences sont plus nombreuses, sans cesse renouvelées. Trop vite menées, moins bien intégrées par les salariés, les transformations sont souvent sans lendemain. Elles génèrent ainsi une extrême fatigue, une démobilisation des talents, une asphyxie d'un nombre croissant d'entreprises. La cote d'alerte est atteinte, mais les entrepreneurs restent perplexes. 1. Le pourquoi ? Pourquoi ? Quelques explications à cela. Depuis vingt ans, la société a grandement évolué. Elle est devenue ultra fragmentée, multiple et vit dans un environnement incertain. Quant au monde de l'entreprise, il s'est notamment financiarisé. Trop souvent, la seule dimension économique a pris le pas sur le management au détriment d'un projet fédérateur porteur de sens pour les salariés. Ce monde s'est aussi globalisé. Si le terrain de jeu s'est agrandi, les marchés se sont complexifiés et sont devenus imprévisibles. Enfin, l'entreprise s'est digitalisée. La circulation de l'information est beaucoup plus fluide, mais l'hyper connexion non maîtrisée génère du stress et rehausse une intolérance. Dans cet univers complexe et incertain, une tendance à la défiance se développe et se traduit dans les entreprises par la mise en place de systèmes de contrôle et de reportings nébuleux de plus en plus coercitifs. Avec des encadrants qui passent un temps infini à mesurer et analyser des données de moins en moins fiables, avec des systèmes de management en contradiction avec les aspirations des générations Y et suivantes. Dans ce contexte, le sentiment d'impuissance grandit sous la pression des injonctions paradoxales, les situations de frustration, de conflit ou de rébellion se multiplient au sein des organisations et le nombre de burns out augmente à tous les niveaux de la hiérarchie. L'environnement des entreprises n'est donc plus celui que nous avons connu pendant près d'un siècle. De nombreuses méthodes de progrès ont permis de prolonger des modes de fonctionnement traditionnels avec un haut niveau de performance, mais aujourd'hui, il n'y a plus d'issue à rajouter une amélioration de plus. Nous ne sommes plus dans une société moderne qui faisait la part belle à la rationalité et au cartésianisme. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère. Comme le dit Marc Halévy, peut-être dans un nouveau cycle comme les civilisations en connaissent tous les cinq cents ans, à coup sûr une période gouvernée par les systèmes complexes. C'est pourquoi il est grand temps de penser les modes de fonctionnement autrement, de changer de paradigme, sans quoi les entreprises subiront une généralisation de la perte de sens, une crise de l'engagement et donc une baisse ou une chute inéluctable de la compétitivité. 2. Le comment ? Mais comment faire ? Dans les systèmes complexes, seules des entités réduites et autonomes peuvent s'adapter et s'épanouir telles des cellules biologiques fonctionnant de manière autonome, mais coordonnée avec les autres au service de nos organismes. Il est donc nécessaire de s'écarter de la voie des organisations bureaucratiques au sein desquelles les cellules opérationnelles sont de plus en plus enfermées dans l'exécution d'ordres provenant d'un cerveau souvent débordé et mal informé. Pour cela, trois principes doivent être respectés pour changer l'état d'esprit et les postures. Tout d'abord, il faut laisser faire les cellules, lâcher prise donc faire confiance. Cela passe par les comportements, mais aussi par la refonte des processus, notamment ceux de décision. Deuxième principe, repositionner la technostructure de l'entreprise au service des opérationnels plutôt que la laisser s'enfermer dans l'établissement des procédures de travail et le contrôle de leur exécution. Enfin, simplifier l'environnement de travail des cellules autonomes, facilitant ainsi l'accès aux informations nécessaires pour décider vite et bien. Plus encore, il est nécessaire de refondre les fonctionnements. Le nombre de relais doit être réduit entre le sommet stratégique et le centre opérationnel de l'entreprise. Plus il y a de relais, plus les décisions sont longues à prendre et dans un univers imprévisible, cette lenteur est extrêmement préjudiciable. De même, l'agilité du centre opérationnel passe par l'établissement des fameuses cellules autonomes. Une cellule, c'est un équipage à taille humaine et le cas échéant, constitué uniquement d'ouvriers ou d'agents multi compétents avec des activités et des moyens dédiés, réalisant une mission claire. Le contrôle n'est pas exclu, mais il est à réaliser a posteriori, de manière à promouvoir l'initiative et l'engagement. Les managers s'évertuent aussi à ne plus penser à la place des collaborateurs, mais plutôt à leur donner les clés pour agir efficacement. Les collaborateurs ne sont pas au service des managers, mais l'inverse. Enfin, il faut accueillir l'intelligence collective, c'est-à-dire redonner les temps de respiration nécessaires pour s'adapter et s'engager, mais également développer les communautés d'intérêts et booster les pratiques d'innovation collaborative. Bref, il faut investir dans le temps long et remettre au cœur de l'entreprise ce qui l'a fait naître, l'envie d'entreprendre. Mais attention, les organisations sont systémiques, chaque dimension du système étant en connexion avec les autres, ne vouloir avancer que sur une seule de ces dimensions est voué à l'échec. Il faut tout aligner, ce qui requiert une vision et de l'audace. Conclusion En conclusion, pour entrer de plain-pied dans le XXIe siècle, nous devons chercher à nous débarrasser de nos réflexes cartésiens et tayloriens pour développer des organisations adaptées aux systèmes complexes. Passer de l'entreprise du comment à l'entreprise du quoi, de l'organisation bureaucratique à l'organisation organique, des styles d'organisation où, comme le décrit si bien la sociodynamique, la dimension holomorphe est dominante, où la valeur intrapreuneuriale est partagée par tous, où l'intelligence collective est libérée à son maximum pour traiter au bon niveau la complexité du travail. Dans ce type d'organisation, les enjeux et les contraintes du dehors de l'entreprise, son impact environnemental et sociétal sont naturellement intégrés par l'ensemble des salariés.