MOOC Consommer responsable S6.5 – L’économie de la connaissance Béatrice Bellini, Maître de conférences en sciences de gestion, Université Paris Ouest Nanterre la Défense Idriss Aberkane, Ambassadeur du Campus Numérique des Système Complexes, UNESCO-UniTwin et chercheur associé à l'Université de Stanford Introduction (Béatrice Bellini) Les modèles durables reposent sur une rupture du système dans lequel nous vivons aujourd'hui. Nous avons choisi cette vidéo d'Idriss Aberkane, neuro-ergonome, pour vous montrer une autre manière d'appréhender notre croissance notamment par l'économie de la connaissance et tous les enjeux liés aux modes de transmission de cette connaissance. Les ressources sont finies, mais la connaissance est infinie. La croissance infinie peut donc être possible si elle se base sur la connaissance. Bon visionnage. Passons à présent la parole à Idriss Aberkane, Ambassadeur du Campus Numérique des Système Complexes, UNESCO-UniTwin et chercheur associé à l'Université de Stanford Intervention d’Idriss Aberkane Les applications pratiques sont très simples, en fait, et c'est ça que je vais vous montrer aujourd'hui. Si vous voulez, l'économie de la connaissance, c'est un domaine grandiose avant tout, grandiose parce que, comme la connerie, la connaissance est infinie et quand vous partez de là, déjà, ça change tout, ça change tout, la connaissance est infinie, toute l'économie est basée là-dessus. Les ressources naturelles sont finies, la connaissance est infinie. Vous voulez une croissance infinie et avec des ressources naturelles finies, ce n'est pas possible, mais avec la connaissance, c'est facile. Du coup, l'économie de la connaissance, on y est déjà. On est déjà rentrés parce qu'il y a plein de gens qui ont fait ce calcul avant moi. L'économie, la croissance infinie, des ressources, des matières premières finies, mais si on base la croissance sur la connaissance, on peut avoir une croissance infinie. Jimmy Carter par exemple, dans les années 1970, dit clairement : " Écoutez, si vous voulez qu'on ait une croissance infinie alors qu'on est en plein choc pétrolier, il ne faut plus que le dollar soit la monnaie du pétrole, de l'or, du blé, mais il faut que le dollar soit la monnaie de la connaissance ". Peu de temps après, ça allait donner l'avènement de la Silicone Valley et ça allait rendre célèbre cette doctrine, si vous voulez. En 1984, Steve Jobs rencontre François Mitterrand pour lui parler de l'économie de la connaissance et lui dit : "vous devez savoir, Monsieur le Président, une chose très simple, c'est que le baril de pétrole de demain, ce sont les logiciels ". Donc à son niveau, il lui disait exactement la même chose : la connaissance, c'est le baril de pétrole de demain. Cette politique, si vous voulez, elle va se poursuivre quand Barack Obama, par exemple, nomme comme ministre de l'Énergie non pas un vieux briscard du pétrole comme ça avait été la tradition avant, mais un geek, un prix Nobel de physique qui n'y connaît rien en pétrole, mais qui s'y connaît en connaissance. Et pourquoi il fait ça ? Parce que la connaissance mondiale, elle explose, elle double tous les neuf ans. Il faut trouver des nouveaux moyens de la transférer parce que nos méthodes de transfert sont mauvaises, même cette présentation, elle est essentiellement verbale et le langage, c'est un moyen très défaillant de transférer la connaissance. Le langage, c'est très bas, vous avez peut-être les vidéos, c'est déjà un peu mieux, les jeux vidéo, c'est encore mieux et c'est comme ça que la Corée transfère la connaissance déjà. La Corée a un ministère de l'Économie de la connaissance entier, et quand elle doit transférer la connaissance de la robotique, elle n'écrit pas des programmes scolaires, elle n'écrit pas des communiqués de presse, elle crée un parc d'attractions, Roboland, donc le robot Einstein ici est la mascotte. Pourquoi ? Parce que la connaissance mondiale explose et que tous les pays au monde, s'ils sont futés, cherchent à respecter cette équation, les flux de connaissances doivent être proportionnels à la croissance de la connaissance. Pour l'instant, ce n'est pas le cas. La connaissance explose, mais nos modes de transmission n'explosent pas. Alors il y a des solutions à ça, comme le CERN qui est entre la Suisse, l'Italie et la France. La connaissance, elle est collégiale, c'est-à-dire qu'elle est partagée par tout le monde, chacun en a un petit morceau et ça, ça a une conséquence immédiate. Cette conséquence, c'est que, si nous n'apprenons pas en groupe, nous n'apprendrons plus du tout, ça veut dire qu'à l'avenir, le mot expert ne devra pas exister pour flatter l'ego d'un individu, mais le mot expert dans le dictionnaire devra désigner un groupe. Les règles de l'économie de la connaissance en fait, elles sont très simples. Par exemple là, on est en train de faire une transaction de connaissance. Qu'est-ce que c'est qu'une transaction de connaissance ? C'est, je vous donne de la connaissance et vous, vous me donnez de l'attention. La monnaie de l'économie de la connaissance, c'est l'attention et le temps et c'est ce que dit cette équation magnifique et très simple : les flux de connaissances sont proportionnels à l'attention multipliée par le temps. Les conséquences de cette équation sont grandioses, vous savez pourquoi ? Parce que là-dedans, ce que ça dit, c'est que le pouvoir d'achat dans l'économie de la connaissance ne dépend que de vous. L'économie de la connaissance, c'est la seule dont le pouvoir d'achat ne dépend que de vous. C'est-à-dire que chaque homme sur Terre naît avec du pouvoir d'achat en économie de la connaissance alors que dans l'économie de marché ou l'économie les matières premières, chaque homme sur terre ne naît pas avec du pouvoir d'achat, mais nous avons tous du temps et de l'attention et avec ça, on peut acheter de la connaissance. Et ça, ça change déjà la totalité de l'économie. Les autres règles de l'économie de la connaissance aussi sont des game changer. Vous prenez la première règle, les échanges de connaissances sont à somme positive. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que si je vous donne de la connaissance, elle est toujours à moi alors que si je vous donne 10 euros, ils ne sont plus à moi. Deuxième règle dans cet ordre, les échanges ne sont pas instantanés. Je peux vous donner 10 euros de la main à la main, ça, c'est instantané, mais cette conférence, elle prend du temps et ça aussi, ça change tout. Enfin, les échanges de connaissances ne sont pas linéaires, ça veut dire que savoir A et B ensemble, c'est beaucoup plus que savoir A tout seul et savoir B tout seul et ça, pareil, ça n'a rien à voir avec l'économie du capital parce qu'avoir 10 euros et 20 euros ensemble, c'est exactement pareil que d'avoir 10 euros et 20 euros séparément. Une autre dimension fascinante de l'économie de la connaissance, c'est qu'elle contient tout le développement durable. Tout le développement durable, c'est un sous-domaine de l'économie de la connaissance, pourquoi ? Parce que la nature est une bibliothèque pleine de solutions. Vous voulez des nouveaux modes de gouvernance ? Observez des termitières et des fourmilières, vous en aurez. Vous voulez des moyens de dépolluer les sols ? Observez les champignons, avec la micro remédiation, on sait maintenant dépolluer les sols des polluants organiques, et peut être même plus tard, dépolluer les polluants nucléaires. Mais cette bibliothèque qu'est la nature, on l'a brûlée au lieu de la lire, ça c'est la révolution industrielle. On s'est crus intelligents parce qu'on savait brûler les livres, les mettre dans nos machines à vapeur plutôt que de les lire et mieux que ça, on a méprisé les peuples qui étaient analphabètes, mais qui savaient lire cette bibliothèque. Pensez à la mission civilisatrice de la France, au fond, qu'est-ce que c'était, la mission civilisatrice ? C'était la mission industrialisatrice, c'est tout. La civilisation qu'on apportait, c'était la révolution industrielle et cette révolution industrielle, c'était dire à des natifs qui en Australie, qui en Amazonie, qui en Algérie, qui ne savaient pas lire, mais qui savaient lire la nature, de leur dire : "brûlez ces livres-là, nous, nous ne savons pas les lire, mais ce n'est pas important". La révolution industrielle, elle a fait beaucoup de mal aussi à l'économie de la connaissance en général, pas qu'à la nature, qui est donc notre bibliothèque universelle. Elle a fait beaucoup de mal à l'économie de la connaissance parce qu'elle est passée d'un transfert de connaissances basé sur l'amour comme c'était le cas à la Renaissance, on aimait la connaissance avant de la prendre, à un transfert de connaissances qui ressemble précisément à ça. Ça, c'est notre transfert de connaissances actuel, le gavage. Dans l'éducation industrielle, on ne considère pas qu'il faut aimer savoir faire, Love can do, le mantra de la Silicone Valley, bien au contraire, vous avez des lots d'oies qui arrivent dans le système éducatif, on a un volume de connaissances à leur injecter, qu'elles l'aiment ou qu'elles ne l'aiment pas, ce n'est pas le problème, ce volume de connaissances doit être injecté à l'année et le lot doit circuler, ça, c'est les transferts de connaissances de l'ère industrielle. Ils ne sont pas basés sur l'amour de la connaissance. Or, je vous ai dit, rappelez-vous, la devise de l'économie de la connaissance, c'est l'attention multipliée par le temps. Vous ne donnerez jamais autant d'attention et de temps que si vous êtes amoureux, à une personne ou à une connaissance, c'est la même chose, vous ne donnerez jamais autant d'attention et de temps que si vous êtes amoureux. Aussi, pour qu'on tourne la page de cette ère industrielle qui, d'un point de vue des échanges de connaissances, a été une erreur pour nous, d'abord parce qu'elle brûlait la nature, notre bibliothèque commune, mais aussi parce qu'elle n'incitait pas à aimer la connaissance avant de l'absorber, eh bien moi, je vais vous garantir, là, que si jamais vous êtes amoureux d'une connaissance, votre apprentissage va être jalonné par des étapes très simples qui sont résumées par ce diagramme : 5, 50, 500, 5 000, peut-être 50 000. C'est le nombre d'heures qui jalonnent les étapes d'une connaissance quand vous êtes passionné. À 5 heures, vous entrez dans n'importe quelle connaissance : la pâtisserie, le jiu-jitsu, la chromo dynamique quantique ou le chinois, 5 heures. Maximum. À 50 heures, vous êtes autonome, c'est-à-dire que si vous avez fait l'amour à la connaissance du chinois, 50 heures en cumulé, on peut vous lâcher en Chine, vous n'avez plus besoin de manuel pour apprendre. Il vous suffira d'écouter les gens et de regarder les panneaux et vous n'aurez plus besoin de manuel, donc vous êtes autonome à 50 heures. À 500 heures, vous pouvez enseigner. Par exemple, un brevet de pilote, c'est en dessous 500 heures. À 5 000 heures, vous pouvez avoir le prix Nobel. Il y a des prix Nobel de littérature qui ont passé moins de 5 000 heures cumulées à écrire leurs œuvres. Enfin à 50 000 heures, là c'est un vrai mariage, ça fait 17 ans à 8 heures par jour, à 50 000 heures, vous avez trouvé l'amour de votre vie dans le monde de la connaissance et donc les prix Nobel, les notes, etc., ce n'est plus votre problème, vous êtes ce que les Japonais appellent un trésor national et ce qu'on peut en fait appeler, nous, un trésor pour l'humanité. Très peu de gens atteignent ce niveau, mais ça, c'est le sommet de l'économie de la connaissance. Vous êtes tombé amoureux d'un domaine, vous avez cumulé 17 ans de votre vie, vous y avez consacré 17 ans de votre vie et beaucoup plus qu’heureux, vous êtes devenu un trésor pour l'humanité. Alors vous voyez, l'économie de la connaissance, c'est très simple en fait, et ça change complètement le monde et je vous rappelle vraiment cette dimension fascinante du point de vue du développement, c'est la seule économie dont le pouvoir d'achat ne dépend que de vous. Merci beaucoup. Conclusion L'économie de la connaissance est la seule économie dans laquelle le pouvoir d'achat ne dépend que de l'attention et du temps.