MOOC Consommer responsable S6.4 – La comptabilité environnementale CARE contre l’énorme code financier qui étouffe le monde Jacques Richard, professeur émérite de Paris Dauphine, expert-comptable, spécialisé en RSE Hervé Gbego, expert-comptable, commissaire aux comptes, cofondateur du cabinet compta-durable Bonjour, je vais vous parler d'une nouvelle comptabilité, la comptabilité environnementale Care qui va remplacer les normes code financier qui étouffent le monde. 1. La parabole de la voiture et du rocher Il faut un changement de conducteur de l'humanité, sinon l'humanité va vers une catastrophe avec les financiers qui recherchent les profits à court terme au détriment de la nature et des humains. Certains proposent qu'on remplace les financiers par des économistes environnementaux qui veulent vérifier la valeur de la nature avant d'agir pour sa protection. Trop tard. Même scénario que dans le cas précédent, malgré le changement de conducteur. On cherche la solution en mettant au volant, les partisans d'un prix mondial du carbone, cela va permettre aux pays pollueurs d'acheter pas cher aux pays non pollueurs des droits pollution et de continuer à polluer la planète. Ces derniers sont les victimes des premiers. La seule solution est que le conducteur soit un comptable prudent qui tienne compte systématiquement de la préservation du capital naturel et des humains grâce à la méthode Care, dans ce cas, la voiture s'arrêtera avant de percuter le mur. 2. La méthode de la comptabilité Care Le but est de prendre enfin au sérieux les capitaux naturels et humains et les mettre sur un pied d'égalité de traitement avec le capital financier. Cela débouche sur sept propositions fondamentales, piliers fondamentaux. 1re proposition : trois capitaux à conserver systématiquement au lieu d'un seul Aujourd'hui, il n'y a en comptabilité au passif du bilan des entreprises qu'un seul capital à conserver, le capital financier. Avec le modèle Care, pour résoudre la crise environnementale et humaine, il y aura désormais trois capitaux à conserver au passif : le capital naturel, le capital humain et le capital financier. 2nde proposition : trois capitaux évalués à leurs coûts de maintien Les nouveaux capitaux à conserver au passif du nouveau bilan, capital humain et capital naturel, seront valorisés sur la base de leur coût de maintien prévisionnel pour une certaine période d'usage. Il s'agit des coûts de maintien des fonctions essentielles environnementales et les coûts de maintien des humains, c'est-à-dire des rémunérations permettant de vivre décemment selon les règles de l'Organisation internationale du travail. Cette valorisation en termes de coût de maintien n'a rien à voir avec l'idée des économistes de donner un prix à la nature ou aux humains en fonction des services qu'on pense qu'ils rendront dans le futur. Il s'agit au contraire d'assurer le maintien sans condition des fonctions essentielles de la nature et de la vie décente les humains en mettant de côté les sommes nécessaires à cet effet. 3eme proposition : trois capitaux à utiliser à l'actif du nouveau bilan Les coûts prévisionnels portés au passif des deux nouveaux capitaux à conserver seront également portés à l'actif pour permettre d'obtenir la base de la mesure systématique et complète de leur usure au fur et à mesure de leur utilisation par les entreprises. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. On aura donc une double représentation de ces capitaux en tant que capitaux à conserver au passif et capitaux à utiliser à l'actif. 4eme proposition : une triple ligne d'amortissements et un nouveau concept de profit Au fur et à mesure de l'utilisation de la nature et des humains, des amortissements de la nature et des humains seront systématiquement passés en charge pour éviter que les profits ne soient artificiellement gonflés et distribués sans tenir compte de leur maintien. On aura donc au compte de résultats une triple ligne d'amortissement au lieu d'une seule comme c'est le cas aujourd'hui avec l'amortissement du seul capital financier, comme par exemple des machines. On sortira donc de cette situation scandaleuse où les machines sont mieux protégées que les humains et la nature en comptabilité. On aura une redéfinition drastique du concept de profit qui deviendra enfin un profit soutenable. 5eme proposition : trois lignes de trésorerie dédiées au maintien des trois capitaux Lors de l'enregistrement des encaissements des ventes de produits fabriqués avec les trois capitaux, on isolera à l'actif les trois montants de trésorerie correspondants aux trois amortissements indiqués précédemment et on les affectera séparément, sans compensation possible, à la reconstitution des trois types de capitaux qui seront ainsi en principe tous protégés. 6eme proposition : vers une nouvelle gouvernance par la cogestion environnementale Actuellement, seul le capital financier, dont les principaux représentants sont des actionnaires, a le pouvoir dans l'entreprise. En général, ni le capital humain ni le capital naturel ne sont vraiment systématiquement représentés dans les conseils d'administration. Avec le modèle Care, les représentants des trois capitaux se partagent le pouvoir à parts égales dans toutes les instances de pouvoir dans l'entreprise. L'entreprise est cogérée par les porte-paroles de ces trois capitaux dans le cadre de ce qu'on peut appeler une co gestion environnementale. 7eme proposition : vers une vie non aliénée après avoir jugulé l'énorme code financier des IFRS Avec le modèle Care, on peut enfin mettre la gestion des entreprises sous la contrainte de la préservation des humains et de la nature et non plus seulement du capital financier. On donne aux humains la possibilité de sortir de leur aliénation en gérant leur activité économique dans le cadre d'une économie de marché régulée qui préserve l'avenir de la planète. L'argent ne peut plus dominer le monde comme il le fait aujourd'hui. Ainsi, on sort enfin de la chrématistique que dénonçait déjà Aristote à Athènes en se libérant du joug de l'énorme code financier des IFRS qui étouffe le monde.