MOOC Consommer responsable S6.3b – Les solutions des Low tech Philippe Bihouix, ingénieur, membre fondateur de l'institut Momentum Introduction : High tech ou low tech ? Il nous faut donc prendre la vraie mesure de la transition nécessaire et admettre qu'il n'y aura pas de solution de sortie par le haut technologique, nous devrons décroître en valeur absolue dans la consommation d'énergie et de ressources. Pour cela, il faudra travailler du côté de la demande et pas uniquement au remplacement de l'offre, c'est-à-dire la sobriété et pas uniquement l'efficacité. C'est toute l'idée des low tech, les basses technologies, une démarche pas forcément opposée au progrès ou à l'innovation, mais orientée vers l'économie des ressources et qui consiste essentiellement à se poser les trois questions suivantes. 1. Pourquoi produit-on ? Première question : pourquoi produit-on ? Il s'agit de questionner intelligemment nos besoins, et autant que faire se peut, réduire à la source la consommation de ressources et la pollution engendrée. C'est un exercice difficile parce que les besoins humains nourris par la rivalité mimétique sont potentiellement extensibles à l'infini et qu'il est difficile de tracer scientifiquement la frontière entre besoins fondamentaux et éventuels superflus. Il existe toute une gamme d'actions imaginables plus ou moins compliquées, plus ou moins acceptables. Certaines devraient faire consensus ou presque à condition de bien exposer les arguments, comme la suppression de beaucoup d'objets jetables, de l'eau en bouteille, des imprimés publicitaires. D'autres seront un peu plus durs à faire passer, mais franchement, nous n'y perdrions quasiment pas de confort. On pourrait penser par exemple au retour de la consigne, au compostage généralisé, à la réutilisation des objets, à la réduction de la vitesse des véhicules. Enfin, certains demanderont de véritables révolutions sociétales, comme par exemple le passage d'une civilisation de la voiture à une mobilité plus douce basée sur le vélo ou la réduction des températures de consigne dans les bâtiments. 2. Que produit-on ? Deuxième question : que produit-on ? Il faut revoir de manière fondamentale la manière dont nous concevons nos produits, les rendre beaucoup plus durables, réutilisables, réparables, faciles à identifier et à démanteler en fin de vie, recyclables avec le moins de pertes possible, utilisant très peu de ressources rares et le moins d'électronique possible également, quitte à revoir notre cahier des charges de manière drastique, accepter le vieillissement ou la réutilisation de l'existant, une moindre esthétique pour les objets fonctionnels, une performance dégradée ou une perte de rendement. En gros, le moulin à café et la cafetière italienne plutôt que la machine à expresso. Dans le domaine énergétique, cela pourrait prendre la forme de micro et mini hydrauliques, d'éoliennes de villages intermittentes, de solaire thermique pour les besoins sanitaires et de cuisson, de biomasse ou de biogaz. 3. Comment produit-on ? Troisième et dernière question : comment produit-on ? Il y a une réflexion profonde à mener sur nos modes de production. Doit-on continuer la course à la productivité et aux effets d'échelle avec des giga usines ou doit-on revenir à des ateliers et des entreprises de taille humaine ? À l'heure de l'invasion des drones et de l'intelligence artificielle, ne faut-il pas revoir la place de l'humain dans les processus de production ? Faut-il continuer à mécaniser, robotiser, automatiser ou doit-on arbitrer différemment entre main-d’œuvre et ressources non renouvelables ? Conclusion : un projet de société Pour réussir une telle évolution tellement à contre-courant de toutes les tendances actuelles, il faudra adresser de nombreuses questions, à commencer par celle de l'emploi. La croissance et l'emploi ont tellement été martelés qu'il est difficile de parler de sobriété sans faire peur. Mais il faudra au contraire se convaincre que la pleine activité ou le plein-emploi sont parfaitement atteignables dans un monde post croissance économe en ressources. Il y a bien sûr une part utopique dans un tel projet. Mais le scénario de statu quo est probablement encore plus irréaliste, car les promesses de bonheur technologique ne pourront pas être tenues. Nous avons largement les moyens techniques, sociaux, organisationnels, culturels de mener une telle transition. Alors, pourquoi ne pas tenter une autre route ?