MOOC Consommer responsable S6.2 – Economie de fonctionnalité, de quoi s’agit-il ? Éric Fromant, directeur de SEFIOR (http://www.sefior.fr/) L'économie de fonctionnalité. Voilà un concept qui est resté longtemps dans le monde des experts, mais qui, avec la multiplication des exemples, la multiplication des cas d'application et le développement de la crise qui requiert des solutions de rupture, suscite de plus en plus de curiosité. Alors de quoi s'agit-il véritablement ? Tout d'abord, il ne s'agit pas vraiment de quelque chose qui soit nouveau puisque, sans vous connaître, je sais que vous pratiquez l'économie de fonctionnalité, quand vous téléphonez, quand vous allez faire laver votre voiture à la station de lavage automatique, puisque dans les deux cas vous payez l'usage d'un bien qui ne vous appartient pas. C'est donc quelque chose qui fait partie de notre quotidien et que nous allons étudier avec un peu plus d'attention. Quelle en est la définition s'il en existe ? Il en existe plusieurs, mais la définition de base est une définition à deux composantes. La première montre que l'économie de fonctionnalité consiste à remplacer la vente du bien par la vente de l'usage du bien. Et la deuxième montre que l'économie de fonctionnalité consiste à découpler la valeur ajoutée de la consommation d'énergie et de matières premières, point très important. Et si on remplace la vente du bien par la vente de l'usage du bien, c'est qu'il n'y a pas de transfert de propriété. Et ça, c'est un point extrêmement important, absolument majeur, parce que ça change les comportements de manière tout à fait radicale. Un fabricant qui reste le propriétaire de son produit va avoir intérêt à faire durer ce produit le plus longtemps possible. Il va le faire par la qualité de fabrication, par la qualité de la maintenance et aussi par l'évolutivité de son produit. En effet, nous savons tous que 90 % des nouveaux produits, en fait, n'en sont pas, que tout cela coûte évidemment très cher, qu'un produit qui est évolutif coûte beaucoup moins cher à réaliser et que le client en est satisfait parce qu'il voit concrètement pourquoi on lui demande un peu plus d'argent. Comment est-ce que, concrètement, cela se passe-t-il ? Dans la vente traditionnelle qui est la vente du bien, il y a à la fois des centres de profit et des centres de coût. Dans le cas de l'économie de fonctionnalité ou vente de l'usage du bien, tout est centre de coûts. Sur la ligne qui est présentée ici, le SAV a un astérisque parce qu'il indique qu'il aurait fallu écrire maintenance de manière beaucoup plus sophistiquée et gestion de la fin de vie est ajoutée aussi parce que puisque le fabricant reste propriétaire de son produit, il est naturellement aussi le propriétaire du déchet lorsque le produit devient inutilisable. Mais dans ce cas, tout est centre de coûts, nous l'avons dit, et le seul centre de profit est la vente de l'usage. Ce qui fait que la perversion du système précédent, de l'économie traditionnelle avec vente du bien, qui peut consister à dégrader volontairement la qualité d'un produit pour provoquer des réparations qui sont vendue à prix d'or, et bien cela n'est pas possible puisque tout est à la charge du fabricant puisqu'il en garde la propriété et qu'il ne s'engage qu'à un résultat et non pas sur un contrat de moyen. Dans l'économie traditionnelle, les vendeurs et les clients sont des adversaires parce que lorsque l'un obtient 10 %, l'autre perd 10 % et inversement. C'est aussi basique que cela. Dans le cas de l'économie de fonctionnalité, les deux, vendeur et client, sont absolument partenaires, ce n'est pas un mot, parce qu'il y a une tierce partie qui s'appelle le poste énergie et matières premières qui paye pour les deux autres. Puisqu'on fait durer le produit, on fait des économies d'énergie et de matières premières et cela permet, en partageant cette économie, à la fois de baisser les prix et d'augmenter la marge. Belle performance qu'on ne voit pas souvent et qui mérite donc d'être soulignée. Si l'on a compris ça, on a compris la première étape absolument fondamentale de l'économie de fonctionnalité. La deuxième étape consiste à ajouter des services, qui ne sont pas comme le SAV un service ultérieur dont on a éventuellement besoin, mais qui sont des services intégrés aux produits et qui, en conséquence, augmentent la valeur ajoutée du produit, ensemble intégré produit - service. Vous voyez se dérouler sur l'écran ce qu'il est convenu d'appeler le schéma de l'économie linéaire de l'extraction des matières premières jusqu'à l'utilisation du produit fini. Si on recycle les matières premières, on court-circuite une étape. Si on pratique la remise à neuf c'est-à-dire que l'on remplace un composant défectueux par un neuf, en tout cas fonctionnel, on court-circuite deux étapes. Si on pratique le réemploi, on en court-circuite trois et si enfin, on pratique à la fois la maintenance et l'évolutivité du produit, ce qui est la caractéristique de l'économie de fonctionnalité, on court-circuite quatre étapes et on réalise la boucle la plus courte de l'économie circulaire qui est, par voie de conséquence, la plus rentable. Cela est assez intuitif. Cette boucle la plus courte est l'antithèse absolue de cette folie économique qu'est la duplication à l'infini de l'économie linéaire, a fortiori lorsque cette économie linéaire est renforcée par la dégradation volontaire de la qualité pour provoquer un renouvellement tout à fait artificiel des achats. On mesure bien la conséquence à la fois économique, sociale et environnementale de l'économie de fonctionnalité puisque plus on utilise de matières premières, plus il y a un besoin de main-d’œuvre à bas prix et donc, les salaires sont faibles. Par contre, quand on pratique l'économie de fonctionnalité, qui permet de diminuer considérablement la consommation d'énergie et de matières premières comme nous l'avons vu précédemment, il y a alors de la place pour des salaires élevés et je dirais que cette place est obligatoire puisque c'est avec une main-d’œuvre de qualité que l'on va pouvoir réaliser ces économies d'énergie et de matières premières. Pour résumer, l'économie de fonctionnalité est donc à la fois le remplacement de la vente du bien par la vente de l'usage du bien, le découplage de la création de valeur ajoutée de la consommation d'énergie et des matières premières. C'est aussi un surcroît de services intégrés au produit qui permet d'augmenter considérablement la valeur ajoutée et c'est aussi cela qui fait qu'on parle de relations assainies entre les parties prenantes, et que donc cette économie de fonctionnalité a un caractère à la fois économique, social et environnemental. Je vous souhaite donc de trouver rapidement un domaine d'application nouveau de l'économie de fonctionnalité pour que vous puissiez en profiter pleinement à l'échelle de votre territoire et de votre personne. Merci.