MOOC Consommer responsable 2.1- De l’analyse environnementale d’un produit à l’éco-conception Marc Janin, Expert Eco-conception, DGA, Ministère de la Défense Introduction Bonjour à tous. Dans un contexte de réchauffement climatique et d'épuisement des ressources naturelles, une stratégie industrielle d'éco-conception de produits prend tout son sens. Mon propos sera de vous expliquer pourquoi et comment. Je vous décrirai plus particulièrement une méthode pour calculer l'empreinte environnementale d'un produit, étape indispensable pour éco-concevoir. Mais tout d'abord, qu'est-ce que l'éco-conception ? 1. Qu’est-ce que l’éco-conception ? C'est intégrer le critère environnemental dès la phase de conception d'un produit, et ce à service rendu au moins équivalent pour le client. Eco-concevoir va consister à réduire autant que faire se peut les impacts négatifs possibles qu'un produit, un bien ou un service pourra engendrer sur son environnement tout au long de son cycle de vie, c'est-à-dire depuis l'extraction des matières premières jusqu'à sa fin de vie. L'évaluation de ces impacts que l'on peut désigner comme le calcul de l'empreinte environnementale du produit sera la pierre angulaire d'une démarche d'éco-conception. 2. Pourquoi éco-concevoir ? Pourquoi éco-concevoir, me direz-vous ? Outre la réduction des impacts environnementaux, les enjeux pour une entreprise sont à la fois réglementaires dans un contexte contraignant, évolutif, concurrentiels avec de fortes opportunités de différenciation sur le marché, marketing pour répondre aux attentes de consommateurs éco-citoyens de plus en plus soucieux de la préservation de l'environnement et enfin économiques pour réduire notamment les coûts de fabrication, d'utilisation ou de fin de vie. 3. Comment éco-concevoir ? Comment s'y prendre pour éco-concevoir ? Il faut avant tout caractériser et dimensionner l'empreinte d'un produit existant de référence de l'entreprise. Il n'existe à ce jour qu'une seule méthode quantitative aboutie, internationalement reconnue et normalisée, l'analyse du cycle de vie du produit communément appelée ACV. Elle consiste à décrire les flux physiques, matières et énergies qui transitent entre un produit et son environnement tout au long de son cycle de vie. C'est une méthode dite globale et multicritère. Comment procéder pour réaliser cet ACV ? Après la définition des objectifs, le choix de l'unité fonctionnelle et du périmètre de l'étude, il va falloir collecter toutes les données nécessaires à la mobilisation des différentes étapes de la vie du produit dont l'entreprise souhaite réduire les impacts. Ces données vont notamment concerner les matériaux et composants du produit, les processus de fabrication mis en œuvre, les emballages utilisés, les opérations de transport y compris les modes de transports et les distances parcourues, les consommables nécessaires à l'utilisation du produit, les opérations de maintenance, la collecte et les traitements en fin de vie du produit et enfin les consommations d'énergie au cours de toutes les étapes de la vie du produit. À l'aide d'un logiciel d'analyse du cycle de vie, il en existe bon nombre sur le marché, il va s'agir de modéliser le cycle de vie complet du produit à l'aide des bases de données disponibles dans l'outil. Ces bases de données, le plus souvent sectorielles, fiables, reconnues et harmonisées au niveau national ou international, permettent de représenter les impacts environnementaux de matériaux, procédés de mise en forme, composants électroniques, modes de transport, procédés de recyclage, etc. , qui caractérisent la vie d'un produit. Une fois le cycle de vie entièrement décrit, le logiciel permet de calculer les impacts environnementaux engendrés tout au long de la vie du produit. Mais quels sont les indicateurs d'impact généralement considérés ? Bon nombre d'indicateurs sont connus et souvent décrits par les médias, notamment dans les bulletins météorologiques comme l'accroissement de l'effet de serre, plus communément appelé le réchauffement climatique, le smog ou la pollution à l'ozone en ville notamment les jours ensoleillés et chauds, l'acidification atmosphérique, le phénomène des pluies acides responsables de la destruction des forêts, l'eutrophisation de l'eau ou le phénomène des eaux vertes qui indique que la faune et la flore aquatiques ont été asphyxiées par le développement d'algues, ou bien encore la destruction de la couche d'ozone qui nous protège des rayonnements UV du soleil. Les logiciels d'ACV utilisés vont permettre d'identifier les aspects environnementaux du produit étudié, c'est-à-dire tous ces éléments contributeurs principalement aux impacts. Des réflexions de travail sur ces contributeurs vont alors initier la démarche créative d'éco-conception. L'approche de travail va consister à imaginer et sélectionner des solutions alternatives et innovantes de conception du produit précédemment évalué pour une empreinte environnementale réduite. Le travail sera progressif, itératif, ponctué d'analyses environnementales, techniques et économiques comparatives afin de choisir les matériaux, les composants, les modes d'assemblage des pièces ou bien encore le type d'énergies employées les moins impactants possible. De nombreux compromis seront nécessaires pour le choix de la solution finale de conception, mais tous les types d'impact ne seront assurément pas réduits. Tout dépendra des contraintes techniques ou économiques et des priorités fixées par l'entreprise. Dans une démarche d'éco-conception, l'évaluation des impacts environnementaux est essentielle et à ce jour, seule l'analyse du cycle de vie est reconnue comme étant une méthode de calcul quantitative, globale et pertinente. Pour autant, elle reste critiquable sur bien des aspects. Elle nécessite une collecte longue et minutieuse de données et peut engendrer des coûts d'investissements prohibitifs pour des petites structures. Certaines bases de données, notamment en chimie ou biochimie, sont trop incomplètes pour espérer une modélisation la plus proche possible de la réalité. Beaucoup de données locales, notamment les gisements de matières premières, sont inexistantes. Certains indicateurs, faute de consensus sur le mode de calcul ou faute de données, ne sont pas pris en compte comme les critères sociaux, la pollution visuelle ou bien encore la biodiversité. L'évaluation des impacts est réalisée à un instant T sans considérer la manière dont seront affectés les impacts en conséquence de possibles décisions, comme dans le cas des biocarburants avec leur culture qui s'étend sur des zones de cultures vivrières. Enfin, elle ne permet pas réellement un basculement vers des modèles économiques plus vertueux comme l'économie de fonctionnalité où la vente de l'usage du produit remplace la vente du produit lui-même. En effet, l'étape de définition de l'unité fonctionnelle dans l'analyse du cycle de vie reste souvent insuffisamment approfondie. 4. Comment évolue la recherche en matière d'analyse de cycle de vie et d'éco-conception ? Des méthodes et outils d'analyse environnementale simplifiée de produits se sont multipliés ces dernières années pour permettre des évaluations plus aisées et plus accessibles à tous. Les résultats seront d'ailleurs souvent très proches de ceux d'une analyse du cycle de vie classique. Par ailleurs, la recherche se développe et de nombreux travaux financés par les gouvernements, par la Commission européenne, portent sur des réflexions en matière de méthodologie comme l'ACV sociale, l'ACV conséquencielle ou encore la monétarisation des impacts environnementaux ; en matière de définition et de calcul d'indicateurs comme la biodiversité ou l'épuisement des ressources naturelles ou encore en matière de bases de données fiables, reconnues, facilement accessibles et harmonisées. Conclusion Toutes ces réflexions contribueront assurément dans les années à venir à l'amélioration de la traçabilité environnementale des produits. Elles assureront de fait une meilleure anticipation des problèmes pour une empreinte environnementale toujours plus faible des produits. Je vous remercie pour votre attention.