MOOC Consommer responsable S2.1 – Des indicateurs nécessaires à la prise de conscience Hélène Leriche, Ecologue, responsable biodiversité-économe chez OREE Introduction Bonjour, je vous propose de prendre conscience de notre place sur cette planète et de trouver des indicateurs pour nous y aider. On va suivre un déroulé. On va d'abord se demander pourquoi et comment on peut se replacer dans la biosphère. Dans cette biosphère, la biodiversité nous est vitale, mais tous les métiers d'entreprises sont également concernés. Le premier pas que je vais vous proposer s'appelle l'indicateur d'interdépendance à la biodiversité, mais on peut aller plus loin avec d'autres indicateurs d'état que nous verrons ensemble. 1. La biodiversité nous est vitale Cette biodiversité, elle nous est vitale. Or nous sommes sur une branche et il est fondamental de se replacer dans cette biosphère. D'abord parce que c'est sur cette terre que nos activités se sont développées, cette biodiversité qui est planétaire, qu'on ne voit pas toujours, nous est vitale, nous respirons grâce à elle, nous mangeons grâce à elle, nous nous habillons. Et nous faisons partie de tout ce qu'on peut appeler le tissu vivant planétaire. Mais cette biodiversité, vous le savez sûrement, est en danger. Et notre interdépendance à cette biodiversité nous impose alors dans notre quotidien et dans nos activités d'essayer de trouver un mode de développement soutenable. Nous étions sur la branche, mais nous sommes aussi à la barre. Pour approcher la complexité de toutes les interdépendances qui existent dans ce tissu vivant planétaire, il est nécessaire de qualifier et de quantifier nos dépendances et nos impacts vis-à-vis de cette biodiversité. Il n'est pas question que d'impact, mais bien de dépendance et c'est en fait un formidable défi et un enjeu majeur pour tous, chacun à son niveau. Car derrière la biodiversité en fait se cache un autre, un autre humain d'aujourd'hui ou de demain, ce qui faisait dire à Jacques Weber, économiste anthropologue, qu'il n'est pas question que d'enjeux de biodiversité, mais bien d'enjeux entre humains à propos de la biodiversité. 2. Tous les métiers de l’entreprise sont concernés Alors tous les métiers de l'entreprise sont concernés. Il s'agit d'abord d'identifier ces interdépendances. Ces interdépendances au quotidien, mais aussi pour demain et puis des interdépendances, que ce soit en amont ou en aval de l'activité d'une entreprise. Cela questionne à ce moment-là la chaîne de valeurs, les produits, les métiers de l'entreprise puisque tous ces éléments sont en fait en lien fort avec la biodiversité, qu'on soit les pieds dedans ou fort loin dans une usine ou dans une ville. Par contre, différents points de vue sont possibles dans une entreprise, chacun a une façon de lire l'activité de l'entreprise et ses interactions avec l'extérieur. Et l'approche de cette complexité demande de la rigueur, de la prudence et beaucoup d'humilité. Au cœur de métier de l'entreprise, on peut se poser la question de la filière des produits et des services qui sont produits par cette entreprise, que ce soient les matières premières, actuelles ou fossiles, que ce soient les modes de fabrication, mais également les modes d'utilisation et la fin de vie des produits. On peut également se poser la question de toute la sphère d'influence qu'entraîne un acteur économique, que ce soit par les contrats qu'il passe avec les fournisseurs, par sa communication avec les clients, par ses rapports avec ses autres partenaires sur le territoire ou sur un marché. Quand il s'agit des fonctions support, elles sont également questionnées par la biodiversité, parce qu'il est question d'intégrer le site d'implantation et de production d'une entreprise, que ce soit par l'occupation ou la gestion des sols, les bâtiments, en particulier la question de l'artificialisation des sols, la gestion d'un territoire sur lequel sont basés les usines et les bureaux d'une entreprise. C'est également au quotidien le rapport avec ses collaborateurs. On peut penser les aménagements en pensant biodiversité, on peut penser ses déplacements en essayant de limiter son impact sur la planète, on peut également revoir la restauration collective et d'une certaine façon, se réancrer avec un tissu agricole autour de l'implantation. 3. L’indicateur d’interdépendance Le premier pas que je vous propose de faire est d'utiliser l'indicateur d'interdépendances. Cet indicateur d'interdépendance des entreprises à biodiversité qu'on appelle couramment l'IIEB a été élaboré en 2008 par l'association Orée avec ses adhérents et un certain nombre d'experts. Il s'agit d'un outil d'auto-diagnostic pour fédérer les énergies et les intelligences au sein d'une entreprise et permettre, ce qui est fondamental et le premier pas, une réappropriation des enjeux biodiversité économie. Cet indicateur d'interdépendance des entreprises à biodiversité porte bien son nom puisqu'il n'est pas question que d'impact, mais aussi de dépendance et c'est un outil qui permet de poser un socle commun de réflexion. On peut le décrire en prenant chacun de ces axes. Il y a un ensemble de critères qui sont passés en revue pour essayer d'évaluer le lien direct que l'entreprise peut avoir avec le monde vivant, notamment par les matières premières. On a ensuite les critères qui sont plus liés aux marchés actuels et notamment la dépendance justement à ces matières premières et la dépendance du chiffre d'affaires. Il y a ensuite les critères liés aux impacts sur la biodiversité, notamment les pollutions qui peuvent peut-être être les plus évidentes, mais aussi la façon dont on aménage territoires, dont on peut perturber certaines continuités écologiques. Dans ce cadre-là, on peut aller plus loin et penser aussi aux critères liés à la compensation des impacts, que ce soit de la compensation obligatoire ou non. Il y a enfin des critères liés à la stratégie de l'organisation, à la façon dont la biodiversité, dans son corps de métier, lui donne un pas d'avance sur ses concurrents ou dans les marchés et cet ensemble de 5 critères permet finalement à cet outil d'auto-évaluation de définir 4 classes que chacun classe de 0 à 4, d'avoir un rendu graphique par moyenne de chacun de ces critères qui permet d'être partagé et d'être visuel pour tous et c'est surtout la base à la stratégie, ça devient alors un outil de pilotage puisqu'il est question d'évaluer l'état initial, également de donner une capacité de choix vis-à-vis des outils et des méthodes que nombre d'acteurs peuvent proposer au monde économique, de réévaluer également par cette auto évaluation régulière les choix stratégiques qui ont été faits et donc de définir de nouvelles orientations si besoin. 4. Aller plus loin avec des indicateurs d’état Alors maintenant qu'on connaît l'IIEB, il faut aller plus loin et pourquoi pas essayer d'élaborer des indicateurs d'état. Parce qu'il est bien question de développement soutenable. Donc de prendre conscience face aux enjeux que nous avons aujourd'hui d'érosion de biodiversité, de changement climatique et donc d'évolution des sociétés humaines, pour que chacun à son échelle, puisse appréhender ces enjeux et prendre sa part dans le devenir de ce qui est un bien commun en tant que consommateur, mais aussi en tant qu'acteur dans une entreprise. Il s'agit bien en fait de s'intégrer dans une dynamique. Il est important d'évoluer avec les systèmes vivants dont nous dépendons et d'augmenter ce qu'on appelle la capacité de résilience des systèmes, c'est-à-dire cette capacité à raisonner et à revenir sur des trajectoires viables après une perturbation. Ca veut dire qu'il faut questionner notamment nos prélèvements et nos rejets. Par exemple il y a un certain nombre d'éléments qui peuvent nous aider à limiter nos impacts et la façon dont on empiète sur la résilience des systèmes vivants. Quand il s'agit de molécules naturelles, on sait qu'il y a des cycles de recyclage, le cycle du carbone, le cycle d'azote, le cycle de l'eau, on les a tous travaillés étant petits. Mais ces cycles peuvent être d'une certaine façon engorgés, c'est ce qui se passe aujourd'hui avec les rejets de CO2. Et du coup, l'engorgement du cycle du carbone qui fait augmenter l'effet de serre aide à l'augmentation du changement climatique, ça existe également pour l'azote. D'un autre côté, quand il s'agit de molécules artificielles, puisqu'elles ne sont pas recyclées dans la biosphère, on peut très logiquement se poser la question de la bioaccumulation et de la limitation impérative de telles molécules. Conclusion En conclusion, en s'interrogeant sur les indicateurs nécessaires à la prise de conscience face aux enjeux globaux, nous avons pris conscience que nous étions sur la branche, mais que nous étions aussi à la barre et que tous les métiers de l'entreprise étaient concernés par les défis actuels. Il s'agit aussi d'aller plus loin. Déjà de se replacer dans un contexte global qui est en fait la question de la résilience des socio écosystèmes. Dans quelle mesure, nous, y compris l'entreprise, pouvons accompagner cette résilience des socio écosystèmes face aux changements globaux. D'autre part, il reste du travail. Il reste à élaborer des outils, que ce soient des indicateurs de la santé des écosystèmes, mais également essayer de dessiner des cadres de viabilité pour éclairer les stratégies. C'est un formidable défi et ce qui est très encourageant, c'est que nous avons sous les yeux cette biodiversité, ce tissu vivant planétaire qui ne nous a pas attendus et qui depuis quatre milliards d'années, évolue, créant une multitude de formes vivantes, des innovations que nous pouvons puiser, que ce soit en termes techniques ou en termes d'organisation et de fonctionnement. Il reste pour nous à nous réapproprier ces défis et nous avons besoin de tous, y compris dans l'entreprise, dans ces défis, c'est à nous tous de les relever.