Bonjour. Nous allons aujourd’hui aborder les entreprises face à la RSE et comment elles font évoluer leur comportement ? Si l’on regarde rétrospectivement ce qui s’est passé depuis la première loi NRE en 2001, on se rend compte qu’au départ c’était nouveau. Dans les années 2000, 2002, 2003, les entreprises ont vu ce rapport RSE, développement durable, comme un vecteur de communication. Elles ont confié cette tâche, l’élaboration de ce rapport, soit à des services de communication interne, soit ont sous-traité cela à des agents de communication. Et là, c’était assez rigolo parce qu’à côté du rapport d’activités sobre avec des reportings financiers, je vous rappelle qu’il fallait faire les rapports de développement durable quand vous étiez coté sur un marché boursier français, il y avait des rapports de communication qui s’appelaient développement durable où il y avait des petits oiseaux, des petites fleurs, des enfants. C’est un petit peu la petite maison dans la prairie en fait. Et puis, progressivement, la fonction d’élaboration d’un rapport de RSE est devenue de plus en plus technique. Cela a nécessité de mettre en place des indicateurs, cela a nécessité de mesurer, cela a nécessité une certaine technicité, une certaine maîtrise des impacts en matière environnementale, en matière sociale, sociétale, et à ce moment-là, dans les années à peu près 2004, 2005, 2006, les fonctions ont intégré toute la partie reporting, qualité, santé et sécurité environnement, et les personnes chargées de reporter et d’élaborer ce rapport avaient des fonctions beaucoup plus transverses et techniques au niveau de l’entreprise. Puis, progressivement avec les années, il y a eu effectivement la crise, il y a eu un certain nombre d’entreprises qui ont souffert du risque image. Aujourd’hui, avec la technologie de communication, on est au courant et avec les réseaux sociaux de tout ce qui se passe à travers la planète. Progressivement, cette fonction de reporting, de rendre compte des pratiques et des impacts environnementaux, sociaux et sociétaux, est devenue de plus en plus stratégique. On a vu apparaitre des postes dédiés, rattachés de plus en plus souvent au président directeur général ou au directeur général. Et puis, aujourd’hui, on tend vers une appropriation, une intégration dans l’ensemble des fonctions stratégiques et dans l’ensemble des pratiques de l’entreprise, de cette connaissance, de cette culture de reporting et de cette connaissance de la RSE. On tend, si on continue comme cela, on arrivera dans les années 2020 à rendre appropriable par l’ensemble des salariés cette culture, on n’aura plus besoin d’une personne dédiée, ou d’un service dédié chargé de collecter les indicateurs, chargé de relancer pour avoir un certain nombre d’éléments avant la publication du rapport. Alors pour résumer, ces dix dernières années, ces quinze dernières années, comment réagissent les entreprises face à la RSE ? Elles sont apprenantes, elles s’adaptent progressivement, elles essaient d’anticiper et elles font évoluer leur organisation, elles font évoluer leur pratique, elles font évoluer leur mode de communication et elles font progressivement évoluer le niveau stratégique de la démarche RSE au niveau de l’organisation qui devient de plus en plus l’affaire de la direction générale, voire de la présidence. Pour fonctionner, qu’est-ce-qui est important ? Pour pouvoir avancer, pour pouvoir être efficace, les entreprises doivent améliorer leur niveau de connaissance de la responsabilité sociétale des entreprises et de ce qu’elle revêt pour leur secteur d’activité et pour leur propre métier. Pour cela, elles doivent informer, communiquer, sensibiliser leurs salariés pour faire en sorte que tout le monde parle le même langage dans l’entreprise en matière de responsabilité sociétale. Il faut une volonté, un sponsor de la direction générale au plus haut niveau pour soutenir la démarche, l’inscrire dans les objectifs, non seulement des managers mais également des collaborateurs, soutenir à travers l’allocation de ressources ad hoc donc cette démarche. Et il faut aussi aider les acteurs de l’entreprise dans une société de plus en plus individualiste où on court après le temps, à construire une vision collective de ce que revêt la responsabilité sociétale pour leur entreprise. Et donc, il faut créer du lien social, il faut favoriser les conditions de participation des salariés à la démarche d’échange, de dialogue de communication ascendante et descendante sur le sujet. Quand on regarde, depuis la crise de 2007, est-ce-que la RSE a été dissoute dans la crise ou pas ? On constate qu’effectivement la crise de 2007 qui perdure a freiné de manière globale les démarches RSE dans les entreprises. Le tournant a eu lieu en 2008. Si on regarde les budgets, les ressources qui ont été allouées par les entreprises sur ces questions-là, sur la mesure de ses impacts, sur la communication de ses impacts vis-à vis de l’interne et de l’externe, on constate que si les budgets n’ont pas baissé, les quantités de formations et de sensibilisations des collaborateurs ont baissé, les offres d’emploi liées à la RSE sont extrêmement faibles. Si on prend le cas de la France, il y a entre 50 et 80 offres d’emplois directement liées à la responsabilité sociétale des entreprises publiées par an, je dis bien « publiées », cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des offres pour le pilier environnemental, pour être responsable environnement, ou des offres pour améliorer la diversité dans l’entreprise ou lutter contre la discrimination. Je vous parle de l’ensemble des trois piliers. Donc il y a une stagnation des offres qui restent faibles, cela reste une niche. Cela montre que les pratiques ne sont pas aussi diffuses qu’on le voudrait et cela montre également que finalement, on n’a pas réussi encore à convaincre les chefs d’entreprises que mettre en place une démarche de RSE, cela améliorait de manière non discutable la performance de l’entreprise, son chiffre d’affaires sur le moyen terme. Quand on regarde ce baromètre de GENERALI qui a interrogé une grande quantité de chefs d’entreprises de RSE, qu’est-ce qu’on constate ? On constate quelques éléments forts. Tout d’abord, la crise économique a freiné comme on l’a dit à tout-à l’heure la démarche. Seul un dirigeant sur deux déclare réaliser un reporting des actions de son entreprise en matières sociale, sociétale et environnementale. Ensuite, ce baromètre nous montre qu’effectivement la crise les a freinés. Ils étaient quand même 68 % à être freinés dans leur démarche RSE à cause de la crise économique. Qu’est-ce-qui pourrait les inciter malgré tout à s’adapter à l’évolution, à cette tendance lourde de responsabilité sociétale de demande citoyenne de positionnement des entreprises dans ces actions ? Ce qui pourrait les inciter, c’est effectivement qu’on puisse favoriser leur investissement, qu’on puisse valoriser ce qu’ils mettent en place, des actions remarquables comme des labels. Il n’existe pas aujourd’hui de label reconnu en matière de RSE. On pourrait aussi leur donner accès plus facilement à des appels d’offres à des marchés publics. On pourrait aussi leur donner accès plus facilement à des moyens de financement de ces démarches qui sont souvent innovantes et qui débouchent sur des nouveaux produits et services de l’entreprise. On pourrait aussi faire savoir et soutenir d’un point de vue règlementaire plus fortement ces entreprises. Quand on regarde ce que les chefs d’entreprises veulent nous dire en matière de RSE, on se rend compte que la principale préoccupation de ceux-ci est d’anticiper les risques sociaux, sociétaux, économiques et environnementaux liés à leurs activités. Ils ne veulent pas assumer les conséquences de ces risques et ils souhaitent effectivement, de manière proactive, anticiper ces risques. Mais également, ils veulent aussi valoriser l’image de l’entreprise. Ils savent que c’est un sujet dont on parle beaucoup. Ils savent que c’est un sujet qui fait partie de l’évolution naturelle de notre société et que nous continuerons à en parler beaucoup. Donc ils veulent utiliser cette actualité RSE, le fait qu’on en parle, que ce soit relayé par les medias, pour valoriser les actions qu’ils mènent dans leur propre entreprise. Malgré tout, certaines même si ce n’est pas la majorité des entreprises, certaines entreprises comprennent ce que peut leur rapporter une démarche de RSE. Tout d’abord comme on vient de le dire, anticiper les risques, éviter les contentieux. Eviter les contentieux aux Prud’hommes, éviter les contentieux en matière de pollution environnementale, éviter les contentieux pour non-paiement dans les délais des fournisseurs et des prestataires. Mais également profiter de cette opportunité, contraindre cette remise en cause, ces nouveaux besoins sociétaux pour développer de nouveaux produits et services qui vont permettre à l’entreprise de se positionner sur des marchés qu’elle n’a pas encore, qui vont permettre à l’entreprise également de se différencier par rapport à ses concurrents, de pérenniser son activité. On l’a vu également de valoriser l’image et la notoriété de l’entreprise dans le monde, mais également de développer, pérenniser et être encore là dans vingt ans. Aujourd’hui, 80 % des produits et des services que nous utiliserons dans trente ans n’existent pas encore. C’est un sacré challenge pour les entreprises. Si l’on regarde au niveau de l’appropriation de la RSE par les entreprises, on constate que finalement, petit à petit, avec les années, les freins liés à l’inertie des hommes et des organisations à la résistance au changement sont progressivement levés et que les entreprises s’approprient progressivement les concepts du développement durable appliqués à l’entreprise et finissent par mettre en place un système de reporting. D’ailleurs, de plus en plus de clients et de donneurs d’ordres leur demandent. Je vous remercie d’avoir assisté à cette séquence et vous dis à bientôt.