Bonjour. Cette séance va être consacrée à l’entreprenariat social ou sociétal. Social est un petit peu court et insuffisant au niveau de la traduction française. En anglais, social est plutôt lié à la vision sociétale. Enfin, peu importe, parlons d’entreprenariat social ou sociétal. L’entreprenariat social ou sociétal. Lorsque l’on parle d’éco-innovation, puisque les éco-innovations ont été vraiment mises à l’honneur depuis une dizaine d’années et encore davantage dans toutes les questions de la résolution de la COP21 pour lutter contre le changement climatique, les éco-innovations ont quand même finalement une finalité plutôt écologique et en priorité écologique. Depuis quelque temps, on se rend compte que cette finalité n’est peut-être pas suffisante et qu’il faut la compléter par aussi une préoccupation sociale ou sociétale, c’est-à-dire qu’en d’autres termes, une éco-innovation, elle doit aussi être responsable, c'est-à-dire poser la question de ses implications au niveau social, par exemple en matière de création d’emplois, ou plus largement sociétal, par exemple pour pouvoir revitaliser les différents territoires. Donc en fait, une éco-innovation responsable renoue totalement avec le développement durable puisque le développement durable, lorsque l’on parle d’éco-innovation, on le limite un petit peu à son interface économie écologie et on a tendance à oublier la dimension sociale et sociétale. Et l’intérêt, c’est qu’avec l’éco-innovation responsable, nous retrouverons les trois dimensions du développement durable, la dimension économique, la dimension sociale et la dimension environnementale. Cette notion d’innovation responsable, elle nous vient d’un philosophe. Il faut toujours repartir aux racines pour mieux comprendre de quoi on parle, d’un philosophe allemand, Hans JONAS, avec son Principe de responsabilité qui est le suivant : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la Permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre ». Donc ce principe n’est pas que philosophique puisqu’il a directement impacté toutes les réglementations autour du principe de responsabilité, ou alors plus simplement lorsque l’on parle de la responsabilité sociale des entreprises, on voit bien que cette notion de responsabilité, elle vient de quelque part. Donc l’éco-innovation responsable est une innovation durable, c’est-à-dire qu’en plus de ses bénéfices économiques et écologiques, elle prend en compte ses propres implications sur la société et elle anticipe aussi cette éco-innovation responsable, elle anticipe les conséquences à long terme et elle nécessite une acceptabilité sociale. Très important d’anticiper ces conséquences à long terme parce que souvent, on a des effets rebonds. En d’autres termes, on trouve une éco-innovation qui résout un problème d’environnement aujourd’hui, mais qui peut en provoquer de nouveaux demain. C’est ce qui s’est passé par exemple avec les CFC, qui étaient des produits qui avaient été utilisés après guerre dans tout ce qui était par exemple les bombes aérosols, pour remplacer des produits qui étaient extrêmement inflammables. Ces CFC, on s’est rendu compte dans les années 80 qu’ils étaient responsables de la diminution de la couche d’ozone. Donc on trouve à ce moment-là de nouveaux produits pour les remplacer, cela a été les HCFC. Et puis ces produits, quelques années plus tard, on se rend compte qu’ils sont en partie responsables aussi du changement climatique. Donc si vous voulez, il est important, lorsqu’on trouve une éco-innovation, c’est-à-dire pour résoudre un problème d’environnement, de se poser la question de ses impacts peut-être secondaires sur d’autres aspects environnementaux. Donc voilà ce que nous donne en plus l’éco-innovation responsable, c’est-à-dire d’anticiper également des effets à long terme sur la société d’une éco-innovation. Alors on peut dire que la notion d’innovation responsable va entraîner deux questions supplémentaires, c’est-à-dire comment intégrer les impacts sociaux, sociétaux de l’éco-innovation, et puis comment anticiper les conséquences directes et indirectes de ces éco-innovations sur le long terme ? Cela est très intéressant puisque cette question d’éco-innovation responsable, elle est directement liée à une nouvelle forme d’entreprenariat, qu’on appelle l’entreprenariat social ou sociétal de la même façon, et de quoi parle-t-on ? parce que l’entreprenariat social, on en parle beaucoup mais de quoi s’agit-il ? Aujourd’hui, il s’agit finalement de se poser la question d’un certain nombre de solutions, de solutions à des problèmes écologiques, des problèmes sociétaux, par exemple des solutions pour le changement climatique, et voir que finalement, ces solutions, elles peuvent aussi et elles pourraient être porteuses d’un certain nombre d’améliorations sociétales sur les territoires par exemple. Finalement, les entrepreneurs sociaux et sociétaux, ce sont des entrepreneurs engagés qui proposent des produits et des services qui répondent à des réels besoins de la société. Cela peut être des problèmes écologiques, des problèmes sociétaux et donc on va retrouver finalement l’entreprenariat sociétal autour de l’éco-conception, des circuits courts, de l’accès aux soins, de l’économie circulaire. Donc ils vont créer de l’activité, des emplois autour des emplois non délocalisables, ce qui est important, sur des territoires autour de ces défis écologiques et sociétaux. Prenons des exemples d’entreprenariat social, des entreprises qui se créent. Par exemple, vous avez vu des magasins d’alimentation zéro gaspillage ou des magasins de gros, finalement où on vient avec ses propres emballages, des agences de voyage en ligne pour handicapés par exemple, la diffusion de produits économes en énergie, la fabrication de goudron à partir de colza. Donc on est vraiment là dans les biomatériaux qui permettent également de générer des activités non délocalisables sur des territoires, la production de tableaux de bord automobiles à partir de fibres végétales. Donc voilà des exemples de création d’entreprises. On a bien d’autres, vous voyez de quoi il peut être question. L’entreprenariat sociétal, en France, se développe de façon considérable mais il n’y a pas qu’en France. Beaucoup de pays assistent à cette déferlante. On parle d’un phénomène nouveau de sociétés, de création d’activités de la part de jeunes qui sortent parfois d’écoles de commerce, même prestigieuses, ou de moins jeunes qui sont des cadres dirigeants par exemple, qui ont envie de créer des activités qui aient un sens, ou même des seniors qui se mettent aussi à créer des activités. On peut aussi avoir des jeunes sans diplômes qui créent des entreprises et il y en a de plus en plus dans ce type de secteurs et sur des territoires qui sont des territoires parfois oubliés. En France, nous avons des entrepreneurs sociétaux qui sont fédérés au sein du mouvement des entrepreneurs sociaux, on appelle cela MOUVES. Vous pouvez regarder sur le site des MOUVES, et la définition qu’ils donnent est la suivante : « Les entreprises sociales sont des entreprises à finalité sociale, sociétale ou environnementale et à lucrativité limitée », alors «lucrativité limitée » mais il faut quand même être lucratif, c’est quand même la dimension économique du développement durable, il ne faut pas l’oublier, mais cela ne doit pas être la seule finalité. Ces entreprises cherchent à associer leurs parties prenantes à leur gouvernance, c’est-à-dire leurs différents clients, leurs différents acteurs qui sont sur leur propre territoire, mais aussi leurs salariés, leurs fournisseurs, dans leurs décisions. Vous savez qu’il y a de plus en plus d’incubateurs puisque les incubateurs ont la vocation à créer des entreprises, donc quand même l’avenir est dans la création d’entreprise, leur compétitivité porte sur les innovations et en particulier les éco-innovations et là en l’occurrence responsables. Donc des incubateurs d’entreprenariat social, il y en a beaucoup. Celui qui paraît très intéressant est LA RUCHE qui est un véritable laboratoire vivant et qui fait vraiment partie des fleurons en cette matière. LA RUCHE a été consacrée l’an dernier parmi les meilleurs incubateurs à Paris, mais LA RUCHE, comme son nom l’indique, c’est normal à essaimer dans d’autres villes, à Bordeaux, à Marseille et, dans d’autres endroits, des RUCHES sont en train de s’ouvrir. On voit que cet entreprenariat sociétal, en fait, c’est un mouvement de fond de nos sociétés, comme je vous le disais tout à l’heure, et pourquoi ? Parce qu’en fait, on est dans un contexte économique difficile, un marché de l’emploi qui est en attrition, un marché de l’emploi traditionnel qui est en attrition, des budgets publics réduits, une inefficacité commerciale des entreprises dans bien des cas, des enjeux environnementaux. Bref, tout finalement, un environnement qui est favorable à cette volonté de créer sa propre activité, de créer des nouvelles activités et qui sont en lien direct avec des valeurs et des valeurs qui sont extrêmement recherchées par les plus jeunes en particulier. Il y a un rapport du centre d’analyses stratégiques de l’OCDE récent, qui est consacré à cette nouvelle forme d’entreprenariat et je vous conseille vivement d’aller regarder cette étude, qui a été réalisé aussi en mars 2015, donc récemment, qui est le premier baromètre du moral des entrepreneurs sociaux. C’est un travail commun entre LA RUCHE, ORANGE, OPINIONWAY et les MOUVES. Donc ORANGE est très impliquée avec LA RUCHE sur ces formes d’entreprenariat social. C’est une étude quantitative auprès de 94 entreprises. 94 entreprises, ce n’est pas beaucoup, cela va nécessiter effectivement d’autres enquêtes mais elles sont en cours, où on se rend compte là que 86 % des entrepreneurs sociétaux interrogés considèrent qu’ils ont davantage de perspectives de croissance et d’emploi, et cela est à comparer avec seulement 34 % pour la moyenne des autres entrepreneurs qui sont finalement beaucoup moins confiants dans l’avenir que ces entrepreneurs sociaux. De la même façon, les entrepreneurs sociaux envisagent, pour 31 % d’entre eux, d’après cette enquête, d’augmenter leur nombre de 4 contre 10 % pour la moyenne des entrepreneurs. Donc ce baromètre des entrepreneurs sociaux va vous donner un certain nombre d’éléments tout à fait intéressants, y compris sur les ressources humaines qui sont recherchées, sur leurs stratégies commerciales et puis aussi sur l’usage des technologies de l’information et de la communication qu’ils peuvent faire. L’un des points forts aussi de l’entreprenariat social, c’est qu’il attire beaucoup plus de jeunes et qu’ils créent des emplois pour les jeunes et des emplois qui les motivent. Donc vous voyez qu’aujourd’hui, l’éco-innovation responsable est en train de générer des nouvelles activités, de nouveaux emplois, et est en train de véritablement construire une nouvelle forme de croissance, une croissance plus durable. En fait, nous sommes en marche vers le développement durable. Merci.