Bonjour. Aujourd’hui, nous allons voir en quoi le développement durable, en quoi la responsabilité sociétale des entreprises - qui est, je vous le rappelle, l’application du développement durable au niveau des entreprises, en quoi cette prise en considération peut permettre d’améliorer la compétitivité des entreprises. Développement durable et responsabilité sociétale des entreprises : les principaux motifs de compétitivité. Pour comprendre plus en détail cet aspect de compétitivité de développement durable, il faut revenir sur ce que l’on a appelé la stratégie win-win à partir des années 1990, à la suite d’un article fondateur – qui était l’article de Michael PORTER, qui est un spécialiste du management aux États-Unis. Michael PORTER a mis en évidence pour la première fois que finalement, une entreprise qui avait une stratégie proactive en matière de développement durable, non seulement permettait des bénéfices au niveau de la société, en améliorant l’environnement par exemple, mais aussi, elle-même avait une meilleure rentabilité, et c’est ce qu’il a appelé finalement la stratégie win-win, doublement gagnante, qui est particulièrement mise en avant ensuite dans d’autres exemples précis et dans d’autres travaux et toute une série d’études au niveau international, au niveau européen. Donc les entreprises qui ont une stratégie proactive – c’est de cela dont il s’agit finalement - peuvent être plus compétitives que les autres. Pourquoi ? Premier motif de compétitivité, lorsqu’on a une stratégie de développement durable proactive, c’est que l’on peut avoir une meilleure rentabilité. Pourquoi une meilleure rentabilité ? Parce que le fait d’être innovant en matière environnementale entraîne une réduction des coûts. C’est-à-dire que l’on va utiliser, grâce aux innovations technologiques ou aux innovations d’organisation interne de la production, l’on va engendrer l’utilisation de moins de matières premières, de moins d’énergie : on utilise moins d’eau, on utilise moins de pétrole, moins de gaz, moins de toute une série de matières premières et, de ce point de vue-là, cela réduit les coûts de production. Ainsi, l’industrie papetière européenne a diminué sa consommation d’eau de 50 % en 15 ans lorsqu’elle a mis en place des stratégies innovantes en matière environnementale. Elle donc est devenue plus éco-efficiente mais en même temps, elle est devenue plus rentable. Ses coûts de production ont été diminués. Donc il est évident que tout ce que l’on voit aujourd’hui, tout ce que l’on discute aujourd’hui autour du recyclage par exemple dans tout ce qui est l’économie circulaire, ce recyclage va dans le sens d’un tel double dividende. C’est pourquoi on voit toute une série de secteurs, par exemple le secteur automobile aujourd’hui, qui produit l’essentiel des éléments d’une automobile, les produits avec des matériaux et de façon que ces matériaux soient recyclables. Donc cela entraîne bien sûr des gains de production. Cela nous entraîne vers un concept important qui est le concept de l’éco-efficience. Ce concept, il a été popularisé par le World Business Council for Sustainable Development à partir du Sommet de la Terre, à Rio sommet qui, je vous le rappelle, a permis le développement, la popularisation du développement durable. Et lors du Sommet de la Terre à Rio, les entreprises les plus actives, celles qui mènent une stratégie proactive en matière de développement durable, se sont réunies autour du World Business Council for Sustainable Development, qui donne énormément d’indications aujourd’hui sur la manière d’être proactif en matière de développement durable et par exemple d’être éco-efficient. Pour être éco-efficient, il s’agit de produire mieux en réduisant les impacts sur l’environnement. Donc on opère un découplage. Il s’agit d’augmenter la valeur d’un produit ou d’un service en diminuant son impact environnemental et donc en fait, on augmente sa productivité. Voilà ce qu’est l’éco-efficience et vous comprenez, de ce point de vue, pourquoi finalement être proactif en matière de développement durable peut entraîner tout simplement une meilleure rentabilité au niveau de l’entreprise qui met une telle stratégie en œuvre. Les stratégies aussi proactives en matière de développement durable permettent d’attirer et de retenir les bons employés. En effet, beaucoup d’études ont été réalisées aux États-Unis, d’abord dans les années 90, après ces travaux de PORTER, pour essayer de comprendre ce que finalement les employés et les plus diplômés, et notamment parmi les plus jeunes, ce qui les attirait dans une entreprise. Alors bien évidemment, le salaire mais pas que le salaire. Beaucoup sont attirés et ont déclaré déjà dès les années 90 qu’ils étaient attirés aussi par des entreprises qui étaient porteuses d’une valeur, et en particulier, la valeur du développement durable, et tout ce qui est la préoccupation environnementale. La préoccupation sociétale est considérée par de tels employés comme primordiale. Alors on est allé un petit peu plus loin. Il y a eu des enquêtes qui ont été menées et, en fait, nous nous sommes rendu compte que finalement, non seulement les meilleurs employés étaient attirés, mais ils restaient aussi dans des entreprises qui étaient proactives en matière de développement durable. Donc, c’est important d’attirer et de retenir les bons employés, puisque évidemment, cela participe aussi à l’amélioration de la productivité du travail à l’intérieur d’une entreprise. Un autre motif de compétitivité est celui de la réputation. Aujourd’hui, on parle beaucoup du capital de réputation. Et donc, le capital de réputation d’une entreprise qui est proactive en matière de développement durable peut se révéler extrêmement élevé. On peut aussi voir à quel point les entreprises qui sont défensives ou qui, finalement, sont hors-la-loi en matière de développement durable et notamment d’environnement mais aussi sur le travail des enfants, combien ces entreprises peuvent subir des problèmes de réputation lorsqu’on est au courant, lorsqu’on connaît de façon généralisée leurs agissements. À ce moment-là, elles ont des problèmes de réputation qui peuvent leur coûter extrêmement cher, voire même les faire disparaître dans certains cas. On sait que la réputation est de plus en plus importante, qu’il faut en tenir compte, et qu’il faut pour cela tenir compte évidemment de la demande sociale. Des exemples peuvent se multiplier de secteurs ou bien de projets industriels qui ne peuvent pas voir le jour parce qu’ils n’ont pas tenu compte de cette demande sociale, et donc de la réputation. Même dans le cas, finalement, de parc éolien, qui, normalement, relèvent tout à fait d’une stratégie proactive en matière environnementale, si on ne tient pas compte des différentes positions et des aspects demandés par la population locale, on a un problème de réputation, on a un rejet. Et à ce moment-là, l’activité ne peut pas se faire. Un point aussi important, c’est l’anticipation juridique et réglementaire, qui est un motif de compétitivité extrêmement important. Lorsqu’on est proactif en matière de développement durable, on est capable d’anticiper parce qu’on met en place des opérations de veille, de prospective. On est capable d’anticiper l’évolution juridique, ce qui est très important, puisque cela évite d’investir par exemple dans des activités qui vont disparaître. Donc le principe pollueur payeur a été l’un des premiers principes dans les années 1970, principe juridique important. On a eu ensuite un autre principe qui est venu de la Commission Européenne et qui est la responsabilité étendue du producteur, c’est-à-dire que le producteur, l’entreprise est aussi responsable de la stratégie en matière de développement durable de ses fournisseurs. Et si elle ne le fait pas, elle est responsable devant la loi. Et le principe de précaution également, qui fait partie, pour la France par exemple, de la Charte constitutionnelle. Aujourd’hui, d’autres directives sont en cours au niveau européen, autour du principe de responsabilité. Et là, il est important pour une entreprise proactive, d’anticiper ce qui va se passer, pour continuer à être compétitive. Cela permet aussi de réaliser des captures réglementaires, lorsque l’on est proactif en matière de développement durable puisque, si on est capable d’anticiper correctement la prochaine réglementation, on peut travailler sur, finalement, des nouvelles technologies, des nouveaux produits qui répondent à cette réglementation pour être le premier sur le marché. Mais on peut aussi tellement anticiper, produire des biens et des services qui vont finalement être ceux qui vont être retenus dans la norme réglementaire. C’est par exemple ce qu’a réussi à faire le secteur automobile allemand au moment des pluies acides, puisqu’il y avait une très grande discussion autour des conséquences nuisibles pour la disparition de toutes les forêts en Europe du Nord. Les constructeurs automobiles allemands ont anticipé. Ils ont travaillé sur une technique qui permettait de résoudre en partie cette problématique, et c’est ainsi qu’ils ont proposé les fameux pots catalytiques qui ont inondé le marché. C’est ce que l’on appelle une capture réglementaire et on voit combien, en termes de compétitivité, que cela peut s’avérer extrêmement rentable. Je vous remercie.