Bonjour. Nous allons, au cours de cette séance, parler bien entendu de la nature encore une fois, mais de la nature de MARX, ce qu’on appelle les néoclassiques, pour voir comment on est passé finalement de la nature au sens du système productif jusqu’à la notion d’évaluation monétaire de cette nature. Donc nature et valeur de MARX aux Néoclassiques. Alors, ENGELS et MARX au XIXème siècle, vont supplanter les économistes dits classiques, et MARX et ENGELS vont entreprendre une analyse critique du système capitaliste. Ce que l’on sait moins, c’est que MARX et ENGELS vont considérer la nature comme étant primordiale et nous allons voir à travers finalement un certain nombre d’exemples que cette vision est assez souvent inconnue et sous-estimée. Vous retrouvez cette importance de la nature chez MARX et ENGELS dans des échanges de courriers qu’ils se sont échangés, donc les lettres sur les sciences de la nature, qui sont extrêmement intéressantes et qui montrent à quel point ces deux auteurs étaient à la pointe des sciences de la nature de leur époque et en particulier autour des concepts de la thermodynamique et de tout ce qui étaient les fonctionnements des systèmes énergétiques et également ENGELS qui écrira la Dialectique de la Nature. Néanmoins, dans leur approche du capital par exemple ou dans le Manifeste du Parti Communiste, on va retrouver cette importance de la nature avec le travail qui va finalement être mis en exergue parce que ce qui les intéresse, c’est de montrer à ce moment-là les rapports sociaux. Néanmoins, le travail n’est pas, pour MARX et ENGELS, l’unique source de valeur puisqu’ils vont reprendre toute la conception antérieure, par exemple celle de William PETTY, d’après lequel le travail est le père de la valeur et la terre, la terre au sens générique du terme, c’est-à-dire la nature, en est la mère. Et c’est tellement vrai que pendant une très longue période, MARX et ENGELS vont hésiter pour savoir s’il est préférable d’utiliser la valeur travail ou la valeur fondée sur les consommations énergétiques ou matérielles. Très intéressant puisque finalement ils vont être à la base de ce qu’aujourd’hui nous connaissons sous le terme de comptabilité énergétique ou de comptabilité matérielle. Et il est même souvent très peu fait référence que lorsqu’il s’est agi de mettre en place l’économie marxiste en Union Soviétique, dans les premiers temps, il y a eu toute une série de discussions par des économistes soviétiques pour savoir s’il fallait trouver une comptabilité, définir une comptabilité en termes de travail ou en termes d’énergie ou de matière. En fait, cette comptabilité en termes énergétique et matériel, nous la retrouverons bien longtemps plus tard aujourd’hui puisqu’elle est vraiment au centre de tous les indicateurs, donc d’efficacité énergétique ou d’efficacité matérielle, et les indicateurs par exemple d’intensité énergétique qui sont au cœur de toutes les approches du développement durable. Donc voilà des pistes qui, finalement, ne sont pas connues et que je vous invite à aller regarder de près. Voilà quelques citations de MARX et d’ENGELS qui disent par exemple pour ENGELS : « Le travail disaient les économistes - donc ils font référence là, aux pères fondateurs de l’économie politique ou classique - est la source de toute richesse. Il est effectivement conjointement avec la nature qui lui fournit la matière qu’il transforme en richesse ». MARX : « l’homme ne peut point procéder autant que la nature elle-même, c’est-à-dire qu’il ne fait que changer la forme des matières. Bien plus dans cette œuvre de transformation, il est constamment soutenu par des forces naturelles ». Donc cela est dit, pour MARX et ENGELS, la nature est centrale et ils font même une analyse en termes énergétiques et matériels de ces apports. Alors tout cela va être balayé avec l’arrivée de l’école que l’on va qualifier de Néoclassique, qui va prendre le pas après les analyses de MARX à la fin du XIXème siècle. L’économie néoclassique est vraiment celle sur laquelle se réfèrent finalement les politiques contemporaines dominantes en termes économiques, et aussi en termes finalement de gestion du milieu naturel. Là, on ne se préoccupe plus de savoir qui est à la source de la production, qui est à la source de la richesse, ce qui est important désormais, c’est de pouvoir opérer des analyses en termes de coûts et d’avantages. En d’autres termes, il s’agit de savoir s’il est avantageux ou non d’agir en faveur de l’environnement ou en faveur d’une politique de protection sociale par exemple. Et pour cela, il est important de donner une valeur à ce qui n’en a pas, en l’occurrence la nature, et donc la valeur de la nature va dépendre du consentement à payer du consommateur à son égard. Et on va avoir finalement une vision qui se rétrécit par rapport à sa préoccupation de la nature puisqu’on ne va plus se préoccuper que de la nature par rapport au prix qu’elle peut avoir, c’est-à-dire par rapport au prix que les consommateurs sont prêts à payer pour elle. Alors les premiers Néoclassiques, fin du XIXème siècle, voilà les trois plus importants, les pères fondateurs de cette économie néoclassique qu’on appelle aussi la révolution marginaliste, c’est JEVONS, c’est MENGER, c’est WALRAS, et donc ils vont dominer toute la pensée économique du XXème siècle et aujourd’hui, bien sûr, il y a eu beaucoup d’analyses qui ont complété, qui ont remis en cause ces visions quand même réductionnistes du point de vue de la nature. L’analyse coût/bénéfice à la marge, qu’est-ce qu’elle nous dit ? Elle nous dit que finalement, une situation est…, il est important d’agir à condition que finalement les avantages et les coûts supplémentaires par rapport à la situation antérieure, si ces coûts et ces avantages le permettent et sont opportuns. Autant dire que, finalement, une décision en faveur de l’environnement va se justifier aussi longtemps que le bénéfice supplémentaire qui en résulte, donc de l’action, rapporte au moins autant que les coûts engendrés par l’action. En d’autres termes, on ne protège la nature que si les bénéfices de cette protection sont au moins équivalents au coût que cette protection va impliquer en termes par exemple de politique d’environnement. Donc, on voit qu’on parle d’optimalité, que cette vision va considérer que finalement une situation va être optimale à partir du moment où il y a une égalité entre les coûts et les avantages marginaux, et finalement, on va parler d’exploitation optimale de la nature avec l’idée que la nature va devoir être évaluée, et elle va être évaluée lorsqu’elle n’a pas de prix par un consentement à payer, toute une série de techniques d’évaluation où il va s’agir de révéler le consentement à payer des consommateurs par rapport à leurs intérêts sur la nature et on va parler de coût d’opportunité pour la préservation ou non de la nature. Cette analyse en termes de coût/bénéfice, elle a connu bien sûr un certain nombre de failles, de remises en cause, avec l’arrivée dans les années 1970 des pollutions globales comme le changement climatique, comme la destruction de la couche d’ozone, comme la perte en biodiversité, et finalement, on a quand même mis en évidence qu’il y avait un certain nombre d’effets externes, donc négatifs, qui ne sont pas intégrés dans les estimations des coûts et que finalement, pour une entreprise, il peut être intéressant de continuer à polluer même dans une analyse coût/avantage, mais qu’en réalité on ne tient pas compte des coûts externes, c’est-à-dire des coûts pour la collectivité. Donc il y a toute une analyse sur les effets externes, sur la différence entre coût social et coût privé qui se sont opposés finalement à cette approche. Et puis, bien entendu aussi, toute la question des impacts sur les générations futures qui ne sont pas intégrées puisque dans une analyse coût/avantage de ce type-là, il est très difficile de prendre en compte les générations futures et tous ceux qui sont absents du marché, c’est-à-dire que les plus pauvres, même s’ils ont un intérêt pour la préservation de la nature, ont un consentement à payer pour la nature qui est bien sûr plus faible, et finalement, ceux-là ne peuvent pas faire porter leurs voix dans cette analyse par rapport à la préservation de la nature. Donc nous voyons qu’il y a eu une évolution extrêmement intéressante finalement en très peu de temps entre une vision où la nature est au centre de la richesse, de la croissance du système de production, et puis finalement une nature qui ne revêt un intérêt que si le consommateur est prêt à payer pour sa préservation. Je vous remercie.