Bonjour. Nous allons parler aujourd’hui à propos du capital naturel, des politiques économiques du développement durable et commencer à aborder cette thématique de mise en œuvre du développement durable. Donc, capital naturel et politiques du développement durable. Le capital naturel est une notion qui fait irruption au niveau économique, mais plus largement au niveau international, dans le sillage du concept de développement durable après 1992, et cette notion de capital naturel va concerner une catégorie très vaste qui regroupe l’ensemble des stocks d’énergies fossiles, les actifs minéraux qui regroupent également les ressources renouvelables ou non, tels que les sols, les forêts, les océans ou la couche d’ozone, l’équilibre climatique. Bref, cela représente l’ensemble des actifs naturels qui fournissent soit un flux de services purement écologique, soit un flux de services provenant de la nature mais offrant un service économique comme par exemple les ressources épuisables tels que le pétrole ou le charbon. Ce capital naturel va être considéré comme un facteur de croissance. Cette idée, on commence à la voir surgir dans les années 1980 avec les premiers économistes qui ont d’ailleurs été des pères fondateurs de la théorie de la croissance comme SOLOW, comme STIGLITZ, qui sont aussi des prix Nobel d’économie, qui ont commencé à intégrer dans la fonction de production les ressources naturelles et en l’occurrence les premières fois c’était plutôt l’énergie fossile dont il était question. Et au cours du temps, avec le développement durable, nous voilà avec une nouvelle catégorie, le capital naturel avec l’ensemble des éléments que j’ai indiqués tout à l’heure qui, finalement, est en facteur de production à part entière à côté de celui du capital humain qui travaille, du capital technique également qui regroupe l’ensemble finalement des investissements productifs matériels ou même immatériels. Donc, on voit à ce moment-là que les économistes commencent à considérer le capital naturel comme un vrai facteur de production à part entière expliquant la croissance économique et finalement rendant la croissance économique dépendante de ce capital naturel. Donc, idée tout à fait nouvelle puisque dans toute la période antérieure des Trente Glorieuses, les seuls facteurs de production qui étaient pris en compte étaient le capital humain et le capital technique. C’est dire qu’une orientation nouvelle est prise, qui va avoir bien sûr des conséquences aussi en termes économiques, en termes politiques, comme par exemple comment donner un prix à ce capital naturel, comment finalement utiliser de façon productive ce capital naturel. Des questions similaires à celles que l’on se pose à propos du capital humain ou du capital technique. Les actifs de l’environnement que l’on va retrouver dans ce capital naturel, ce sont des actifs extrêmement nombreux, j’insiste là-dessus, des actifs qui sont liés à la biosphère, donc tout ce qui est biodiversité, aquatique, aérien, l’atmosphère, le système climatique, la qualité de l’air ou l’hydrosphère, toutes les questions d’eau ou encore des questions de lithosphère qui concernent les sols productifs. Donc, nous voyons qu’à travers cette notion de capital naturel, nous faisons rentrer dans l’économie des catégories qui n’appartiennent pas a priori à l’économie. Et cela est une nouveauté extrêmement importante qui va découler des politiques de développement durable. Cela pose bien entendu la régulation du capital naturel et je pense qu’il est intéressant toujours de voir que ce type de question, finalement, ce n’est pas vraiment nouveau même si cela n’avait pas retenu l’attention dans le passé. Voyons un des pères fondateurs de l’économie libérale, John Stuart MILL, qui en 1848 écrit cette phrase extraordinaire - il y en a bien d’autres. Il écrit : « N’y a-t-il pas la terre elle-même ses forêts, ses eaux et toutes les richesses naturelles qui sont sur sa face et au-dessous. Ces richesses sont l’héritage commun du genre humain ». Donc, cette notion d’héritage pourtant, on voit l’idée, chez MILL des générations futures, de l’héritage. « Il faut en régler la jouissance par des lois », donc on voit bien, problème de régulation pour l’ensemble de ces éléments qui constituent ce qu’on appelle aujourd’hui le capital naturel. Je continue toujours selon MILL : « On ne peut se dispenser de déterminer les droits que chacun a la faculté d’exercer sur chaque portion de l’héritage commun et les conditions auxquelles il peut les exercer », donc l’idée qu’il faut réguler, qu’il faut une gouvernance pour ce capital naturel. « Aucune fonction du gouvernement n’est moins facultative ou plus intimement liée à l’idée d’une société civilisée que la fonction qui consiste à régler tout cela » : donc de dire que déjà au XIXème siècle avec John Stuart MILL, tout était dit il fallait donc que les Etats se préoccupent de cette régulation de l’ensemble des ressources naturelles, de ce qu’on va appeler plus tard capital naturel. Si nous avions écouté peut-être John Stuart MILL à ce moment-là, nous n’en serions pas arrivés où nous en sommes mais en fait, la raréfaction du capital naturel n’avait pas encore été suffisamment visible pour que l’on se préoccupe avant. Les deux objectifs environnementaux en matière de développement durable, c’est d’une part réduire les pressions environnementales pour respecter la capacité de la biosphère à les absorber puisque la biosphère, elle absorbe la pollution - évidemment, on émet depuis bien longtemps des émissions de toxine dans l’atmosphère qui peut la résorber si on ne dépasse pas une capacité de charge -, et puis il faut aussi se préoccuper des investissements dans les boucles vertueuses qui contribuent au grand cycle de la biosphère. Par exemple, on sait qu’il est possible par les puits de carbone, par toute une série de mesures comme celle des arbres qui peuvent être plantés pour absorber le CO2 mais les océans absorbent aussi le CO2, donc ce sont des puits de carbone. La nature fait un travail de dépollution. Il faut lui en laisser le temps, il faut respecter ces boucles vertueuses, il faut respecter les grands cycles de la biosphère pour ne pas dépasser certaines limites et afin qu’elle puisse faire son travail. Donc, on voit que la nature opère tout un travail aussi de dépollution si on lui laisse les possibilités de le faire. Aujourd’hui, comme les capacités de charge sont dépassées, comme le capital naturel se raréfie, il faut trouver des solutions. Parmi les solutions, on parle bien entendu du découplage entre l’économie et l’environnement. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu’il faut trouver les moyens d’avoir une économie qui continue à croître, continuer à produire, mais en utilisant de moins en moins de capital naturel, c’est-à-dire qu’il faut augmenter la productivité du capital naturel, et pour ce faire, il faut découpler. Pour découpler, il faut utiliser des nouvelles façons de produire, des innovations. C’est ce qu’on appelle finalement le changement structurel de l’économie et mettre en place des politiques de découplage qui peuvent passer par exemple par la dématérialisation de l’économie, qui peuvent passer également par tout ce qu’on appelle aujourd’hui l’économie circulaire qui consiste à réutiliser les déchets dans la production. Cela nous amène à la notion de croissance verte et de développement durable, notion de croissance verte qui devient finalement une thématique très importante à partir des crises financières de 2008 qui ont ébranlé le monde. On commence à parler de croissance verte et on se dit que la croissance verte, finalement, ce serait plutôt une bonne chose puisqu’elle permettrait d’améliorer le bien-être humain tout en réduisant en même temps les impacts environnementaux et la pénurie des ressources. A partir de là, des investissements importants vont être faits dans cette économie verte pour permettre le découplage que nous avons défini tout à l’heure entre l’économie et l’environnement, et ce découplage va passer par une organisation de l’économie dite circulaire, c’est-à-dire toute une série de réutilisations des déchets pour pouvoir les remettre en tant que matières premières, donc c’est tout ce qui est récupération, recyclage. On va parler aussi d’économie de la fonctionnalité pour alimenter cette croissance verte et ce découplage, économie de la fonctionnalité, c’est-à-dire on remplace des produits par des services. On remplace des productions de voitures par des services à la mobilité via tout un système de covoiturage par exemple. On remplace des consommations énergétiques ou des ventes d’énergies par des ventes de système d’économie d’énergies. C’est ce que font par exemple aujourd’hui les grands distributeurs énergétiques. Donc, il y a toute une série de possibilités pour permettre ce découplage. Donc nous prenons conscience, avec ce capital naturel qui entre dans la fonction de production, qu’il peut finalement être source de limitation de la croissance, mais aussi finalement que la prise en compte du capital naturel, un découplage entre la croissance et sa consommation peut amener à des innovations et peut apporter finalement une nouvelle forme d’économie, une économie qui repose sur une nouvelle croissance qui sera verte. Merci.